• Pour que vive vraiment la liberté d'expression en classe...

     Pour que vive vraiment la liberté d'expression en classe...

     

     

     

     

     

    Depuis quelques mois, une question me turlupine... Faut-il plus de règles à l'école? N'y en a t-il pas déjà suffisamment?

    J'en ai déjà parlé dans un article précédent et je cite à nouveau ici un des propos de JP Obin: "Le problème est que l'école est considérée par les professeurs, comme par les parents bien que sur des registres différents, à la fois comme une question privée (liberté de choix pédagogique, ou de libre choix de l'école pour ses enfants), et comme un espace public (devant assurer l'égalité et la protection de tous)".

    La coopération entre enfants est un moyen que j'utilise dans ma classe, pour favoriser la communication non violente entre pairs et avec les adultes de l'école. Mais cette CNV a un revers, que l'on voit s'exprimer toutes les semaines dans le conseil d'élèves.

    "Quand tu m'as dit... , cela m'a fait mal au cœur et je t'en informe". 

    Et là, souvent, il faut arbitrer, discuter du poids des mots, de l'agression ressentie... Or, je constate que les enfants de mes classes sont de plus en plus légalistes. Ils demandent réparation, sanction, quand leur Moi a été touché.

    Mais alors, parfois, cela limite tellement les possibilités d'entrer en contact avec l'autre, que cela devient une entrave à la vie en collectivité. Certains enfants disent se trouver blessés dès qu'on leur demande quelque chose, qu'on leur fait une remarque... Le message clair devient alors un bouclier contre la communication avec autrui.

    Ayant déjà constaté ce fait, j'ai décidé de travailler sur l'acceptation des remarques d'autrui. Ainsi, l'humour est utilisé comme un moyen de dédramatiser certaines situations. Rien de nouveau sous le soleil, me direz-vous? Eh bien, si, je m'aperçois que de nombreux élèves n'ont pas d'humour... Et oui, cela ne se transmet pas génétiquement. Cela s'apprend. Et comme notre société est devenue hyper individualiste, on n'apprend pas à rire.

    Alors, j'ai demandé à mes élèves dessiner des caricatures d'eux-même,  de faire leurs autoportraits, en insistant sur leurs défauts.  Si l'auto dérision n'existe pas dans leur monde, ils n'accepteront pas les caricatures. Il faut avoir éprouvé le rire de soi pour comprendre que le rire des autres n'est pas une atteinte à son image personnelle 1.

    Et, peu à peu, je trouve que cela fonctionne. Accepter de ne pas comprendre la blague d'un copain sans se sentir exclu, ni rejeté. Accepter dans la nuance de ne pas prendre tout ce qui est dit sur soi trop à cœur. Apprendre à pardonner, à s'excuser aussi....

    Bref, je crois que depuis quelques années, c'est ce que je m'efforce d'ajouter à ma pratique pédagogique, pour avoir des élèves moins rigides dans leur corps et leur esprit... Pour que vive vraiment la liberté d'expression.

     

    1(Je repense à cela, car tout bêtement, lorsque j'étais enfant, je voyais Cabu caricaturer Dorothée tous les mercredis, en direct à la télévision, et elle ne semblait pas choquée de se trouver avec un long nez arrondi !)

    2) Grand merci à Betty caricaturiste, qui m'a très gentiment prêté son travail pour illustrer cet article.

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  • Je suis Charlie... Mes élèves le seront aussi demain !

    Dessin emprunté à Mutio, visible à la Une d'Urtikan ce soir. 

    Et ... comme beaucoup, ce soir, je suis atterrée par cette attaque à la vie de nos journalistes. La liberté d'expression est ce qu'on a de plus cher, y compris dans le danger et le péril le plus grand.

    Ces victimes, dessinateurs de presse, journalistes, sont morts pour "juste pour qu'on vive heureux" disait Philippe Val ce soir. Et je le crois. Cette impertinence, la vitalité de ces gens nous est indispensable.

    Alors que faire demain? Que dire à mes petits élèves? Chaque année, je travaille sur la presse, notre classe édite un blog, nous nous tenons au fait de l'actualité....

    Comment aborder ce drame avec eux? Comment en parler avec mes enfants aussi?

    Ce soir, ma priorité, c'est le choix des mots et des photos, pour lutter contre la haine qui va jaillir après la peine.... La tristesse serait que leur mort n'ait servi qu'à alimenter la vague de fascisme qui essaie de ressurgir. Et là, je serai à ma place. Eduquer des citoyens de demain. Eduquer pour me battre, moi aussi avec mon stylo, ma tête et mon coeur... 

    Alors, je vais montrer ce qu'est un journal satirique... ("Faire rire le lecteur en donnant une image volontairement déformée de la réalité" dit Wikipedia)

    Je vais montrer ce que sont des dessins de presse... ici aussi... 

    Je vais expliquer à quoi cela sert de créer une polémique, de protéger la liberté de la presse... Je vais essayer de parler du rôle des journalistes de guerre...

    Je vais expliquer qu'il est important d'accepter la dérision de soi, la critique, la caricature... car c'est cette ouverture aux autres qui rend fort. Savoir rire de soi s'apprend aussi.

    C'est ce don d'humour, cette intelligence qui a manqué à des brutes bestiales qui ont tenté d'assassiner la liberté de la presse ce matin. Et bien, ils n'y arriveront pas. Une génération d'enfants devenus grands saura, je l'espère le prouver dans l'avenir !

     

    Petit ajout vers un site qui propose un rebond très bien tourné vers l'accueil et la formation de nos jeunes face à cet événement.

    Deuxième ajout: une lettre (écrite par une amie Patricia) que je compte faire lire à des enfants devant le drapeau en berne de l'école, à 12h, avant la minute de silence demandée par notre hiérarchie:

    Le 7 janvier 2015 suite à l'assassinat de 10 journalistes et 2 policiers dans la rédaction de Charlie Hebdo, journal satirique.

     

    Un crayon contre un canon, 

    Un stylo contre les idiots, 

    Le rire et la satire contre, des maux, les pires, 

    La force de l'insolence contre la bêtise et l'intolérance. 

    Aujourd'hui, la liberté a été criblée de balles 

    Par l'obscurantisme et l'inacceptable. 

    Cabu, Charb, Wolinski, Tignous, 

    Et vous dont nous ne connaissons pas les noms, 

    Vous qui, ce matin, êtes tous, 

    Tombés pour votre liberté d'expression, 

    Pour la force de vos convictions, 

    le courage de vos opinions, 

    Pour que la liberté ne soit pas muselée, 

    Pour que l'on puisse rire de tout, parfois pour ne pas en pleurer. 

    Que votre mort serve à nous rappeler 

    Que l'on ne doit jamais, jamais 

    Accepter, ni excuser 

    Les tueurs de la liberté. 

    Ce soir, nos cœurs saignent 

    Et nos stylos pleurent, 

    Parce que vos vies s'éteignent 

    Et vos stylos, muets, demeurent. 

     

    Que vos vies lâchement assassinées 

    Nous rappellent chaque jour, comme un crédo, 

    Que nous devons tous être unis et soudés 

    Contre la barbarie : un devoir "hebdo". 

    Je suis Charlie. 

     

    Ils ont dit : 

    "Je préfère mourir debout que vivre à genoux" Charb 

    "La caricature est un témoin de la démocratie" Tignous 

    "Notre ressort est de dénoncer la bêtise en faisant rire" Cabu 

    "Etre scandaleux, c'est dire aujourd'hui ce que tout le monde dira dans dix ans" Wolinski 

    "C'est dur d'être aimé par des cons" Cabu 

    "L'humoriste est rarement un salaud. C'est un homme sans illusions" Wolinski 

    Je suis Charlie... Mes élèves le seront aussi demain !

     

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