pégagogie, école
Trois temps importants et ritualisés :
Premier moment: les GS sont réunis sur le tapis, au coin regroupement de ma classe (qui n’est pas la leur puisque c’est un temps de décloisonnement) ; ils savent que je vais leur lire ou leur conter une histoire, tirée d’un livre, album, ou de la culture orale.
Ils sont attentifs et silencieux. C’est le moment de la lecture ou du conte.
Deuxième moment: les GS ont entendu l’histoire, ils gardent dans leur mémoire des extraits, des moments forts de cette lecture. Ils ferment les yeux, et lorsqu’ils sont prêts, ils partent chercher leur journal du lecteur (les journaux sont étalés sur différentes tables de 4 places, et chacun doit retrouver le sien). Des crayons de couleur sont à leur disposition. Ils cherchent la page de droite sur laquelle ils vont laisser une trace. Je passe noter le titre de l’histoire entendue, et je laisse chacun dessiner.
Troisième moment: les GS terminent leur dessin et attendent patiemment leur tour pour me dicter leurs commentaires. Ils savent que je vais leur poser deux questions (inductrices de langage et rassurantes pour les aider à se lancer) :
- qu’as-tu dessiné ? et répondent : « j’ai dessiné …. »
- As-tu aimé cette histoire et pourquoi ? et répondent « j’ai aimé/ je n’ai pas aimé parce que … » ( Pour les aider à anticiper et prendre position, je leur demande de dessiner sur la page de gauche, un bonhomme qui sourit ou pas : ainsi, un enfant qui n’a pas aimé, ne peut pas changer son avis au dernier moment pour me faire plaisir, ou alors, il doit se justifier).
Des remarques, des constats :
Cette activité « tourne » bien. Les enfants sont très contents d’y participer.
En théorie, aucun enfant ne peut se tromper et se sentir en échec: son dessin est unique, in copiable, car c’est l’expression de son émotion d’écoute d’une histoire.
J’insiste beaucoup sur les traces personnelles que chaque enfant doit laisser.
En revanche, j’ai souhaité fixer des critères de réussite pour améliorer leur production :
-chacun doit faire en dessin sans en parler à ses camarades de table.
-une fois le dessin réalisé, on esquisse un fond de couleur, pour donner une tonalité au dessin. J’ai un souci d’exigence en matière de coloriage, de remplissage des surfaces au crayon de couleur. Ceci a nécessité un apprentissage, une tenue du crayon (différences entre un trait appuyé et un trait léger, couleurs dégradées, des segmentations entre les personnages, les parties du corps, etc…).
-chacun est capable de décrire ce qu’il a dessiné, c’est à dire que sa pensée ou son souvenir guide son crayon et non l’inverse. Je dois sentir une intention de communiquer sur ce vécu commun qu’est cette histoire. (on ne dessine pas ce que l’on veut, on fait un dessin qui parle de l’histoire, qui fait penser à un moment de l’histoire, qui transmet une émotion …C’est formellement une trace de lecture.)
Des écueils :
Certains enfants n’arrivent pas à libérer leur imaginaire, à se détacher des contraintes habituelles de l’école (« c’est juste ou faux objectivement »), et s’imaginent qu’une seule façon de faire est possible; ils se cachent derrière la copie de la couverture du livre par exemple, ou derrière des illustrations contenues dans le livre.
Leurs remarques sont purement descriptives, et ils déclarent toujours que l’histoire leur a plu (par peur de décevoir l’adulte s’ils avouaient ne pas avoir apprécié l’histoire).
Des remarques constructives :
Peu à peu, les enfants apprennent à argumenter pour justifier leur point de vue. Ils quittent la description pure de leur dessin (« j’ai dessiné un lapin, une maison et le soleil »), pour arriver à produire du récit (« là, tu vois, j’ai dessiné quand le lapin entre dans la maison et il ne sait pas encore que le loup va le manger. »).
Certains enfants déclarent ne pas apprécier l’histoire car un détail choque leur morale ( la petite fille est partie de sa maison la nuit, et ce n’est pas bien !).
Il est important de commencer à solliciter leur expression personnelle dès le plus jeune âge, car il n’existe pas d’autre activité dans ma classe, dans laquelle il leur soit laissé une telle liberté.
Or, je constate combien il est important de laisser libre court à leur imaginaire : en effet, peu d’entre eux sont capables de se projeter dans une histoire, d’en inventer le décor, tant ils sont imprégnés par les images qu’on leur impose à longueur de temps, dans les dessins animés, les DVD, programmes informatiques et même les illustrations des livres qu’on leur lit.
Peu d’entre eux ont l’occasion de manipuler des figurines, de construire des décors en légos. Ils ne savent pas jouer ensemble et élaborer des circuits de voiture.
L’autonomie du jeu, c’est à dire la capacité à inventer leurs propres scénarii, est en perte de vitesse : les enfants préfèrent déconstruire que construire.
Le journal du lecteur, et d’autres activités de mise en mots de leur imaginaire comme le cahier d’écrivain, sont indispensables si l’on veut que les textes des futurs collégiens aient du sens.